vendredi 27 mars 2020

La voie paradoxale épisode 5

Épisode 5


La jeune femme déambulait dans la rue, sans vraiment faire attention à ce qui se trouvait autour d’elle. Soudain elle se trouva face à un groupe d’hommes qui lui barrait la route. La plupart étaient des hommes d’équipage des glisseurs géants qui traversaient les prairies de Kouen Louen. Ils brandissaient leurs armes - des épées pour la plupart - en direction de la jeune femme. Ils étaient ivres et avaient l’intention de la violer. Ils la poussèrent contre le mur.
« Vous devriez vous attaquer à un adversaire de votre taille, dit une voix féminine, derrière eux.»
La nouvelle venue était une femme vêtue de noir. Elle paraissait élégante malgré la simplicité de ses vêtements - une tunique et un pantalon.
Les hommes éclatèrent de rire ne prenant pas la menace de la nouvelle venue au sérieux. Mais cette dernières envoya un projectile en direction de l’un des hommes qui s’écroula sur le champ. Les deux bracelets qu’elle avait aux poignets quittèrent leur emplacement bientôt imités par les boucles d’oreilles et le pendentif qu’elle arborait également. Chacun des éléments de cette parure s’avéra être une créature vivante. La femme en noir silencieusement commanda aux créatures, leur donnant des ordres d’attaque. Bientôt plusieurs des hommes se tordirent de douleur sur le sol.
La clameur du combat avait attiré de nombreux badauds qui sortaient des tavernes et des bars proches. Certains dégainaient leurs armes et se joignaient à la bagarre quittant leur rôle de spectateur passif. Le nombre d’adversaire de la guerrière écologique augmentait dangereusement. Un homme la blessa d’un coup d’épée. Mais il assista médusé, à la cicatrisation de la plaie à une vitesse dépassant l’entendement humain. Un autre dégaina une arme à projectile et tira dans sa direction, mais la balle ricocha sur sa peau.
Une tête se détacha d’un corps. Un nouveau joueur venait d’entrer dans la partie. il s’agissait d’une homme élégant arborant un collier de barbe. On devinait sous ses vêtements amples, une armure légère. D’une main il brandissait une rapière, de l’autre un pistolaser. Ses mouvements souples trahissaient le combattant aguerri. Quelques mouvements rapides du poignets lui permettait de faire des passes d’escrime précises infligeant des blessures douloureuses à ces adversaires. Ceux ci battirent bien vite en retraite devant ces deux formidables combattants.
Ils ne furent bientôt plus que tout les deux, sur les champ de bataille déserté.
« Sheila Balol, se présenta la femme en noir.
– Theudas Gris, répondit l’homme.»
Ce dernier se dirigea vers la jeune femme agressée par la meute des hommes d’équipage.
« Vous allez bien, lui demanda - t - il.
– Ça ira, répondit - elle.»
Une petite créature au museau chafouin sortit bientôt de sous le col du manteau de la jeune femme. Le petit animal avait l’apparence d’un lémurien dont le corps aurait été couvert de chitine. Deux petites tentacules pendaient sous son ventre.
Theudas se retourna vers Sheila Balol.
« C’est une mémorialiste. Ce petit animal est un aide mémoire. Il emmagasine un nombre impressionnant de données dans son cerveau. Lorsqu’il pose ses tentacules sur la tête du mémorialiste, celui - ci à accès à ces données.»
Les intelligences artificielles avaient été bannis dans l’Empire du Milieu. Aussi les services administratifs de l’empire les avaient remplacé par les mémorialistes qui en symbiose télépathique avec leur aide mémoire tenaient lieu d’ordinateurs humains.
Theudas Gris avait débarqué sur Kouen Louen une dizaine de jours auparavant, attendant la suite des événements. Jusque ici il s’était ennuyé comme un rat mort dans cette petite ville provinciale sur laquelle il avait jeté son dévolu. L’épisode du matin lui avait permis de mettre un peu d’action dans cette nouvelle vie qui commençait à devenir monotone.
Il se tourna vers la jeune femme.
« Il vaudrait mieux que nous vous accompagnions, les rues de cette ville ne sont pas sûres.
– Je vais récupérer mon fils à l’hôtel où je l’ai laissé. Et après j’embarque sur un glisseur pour Xiangu, la grande ville de l’hémisphère sud. J’ai eu une mutation là bas, répondit la mémorialiste. Au fait je m’appelle Mei - Lin»
Chemin faisant Theudas conversait avec Sheila.
« Vous êtes une guerrière écologique, n’est ce pas ?
– Je ne saurais le nier.
– Je croyais que les guerriers écologiques avaient disparu.
– Nous venons rarement dans les deux empires. Nous nous contentons d’intervenir dans la République des Pleiades, les Myriades, ou la Confédération des cités planètes. En fait je suis devenue renégate il y a peu.
– Et vous êtes venue vous cacher sur Kouen Louen ?
– C’est plus compliqué que cela. Je m’apprêtais à quitter Alma Mater, lorsque j’ai été abordé par un vieux mendiant. C’est lui qui a aiguillé mon choix sur cette planète. Il m’a dit qu’une mission m’attendait ici, la plus importante de toute ma vie. Je me demande bien ce qu’elle peut être.
– Est ce que cela à un rapport avec l’élu ?
– Il ne l’a pas mentionné en tout cas. Il m’a juste parlé d’une certaine sorcière génétique. J’ignore de qui il s’agit.»
Ils étaient maintenant parvenus devant l’hôtel de la jeune femme. Personne n’avait osé les importuner. Quelques instants plus tard celle - ci descendait avec un jeune enfant d’environ un an.
« Excusez moi de me mêler de ce qui ne me regarde pas, demanda Sheila, mais le père de l’enfant ne vous accompagne pas.
– Il m’a quitté. L’appel de l’espace a été plus fort pour lui. Il est négociant indépendant. Il s’appelle David Bastion.»
A la mention de l’expression, négociant indépendant, Theudas fit la moue. L’homme était donc un contrebandier qui introduisait des marchandises en fraude dans les deux empires en provenance des Mondes Indépendants.
«  Nous allons vous accompagner jusqu’au glisseur, proposa Sheila.»
Au bout de quelques minutes ils arrivèrent au quai où attendaient les glisseurs qui semblaient de gigantesques navires mus par des voiles solaires. Tout un peuple de marins et de dockers s’affairaient. Mus par une impulsion incontrôlée, Theudas se dirigea vers le guichet de l’une des compagnies qui affrétaient les léviathans de métal. Il demanda deux billets à destination de Xiangu.
S’il avait eu la présence d’esprit de regarder derrière lui, il aurait aperçu un étrange mendiant dissimulant une partie de son visage derrière une capuche s’éloigner rapidement.
Il revint vers les deux jeunes femmes et tendit un des billets à Sheila.
« Nous sommes du voyage, dit il énigmatiquement. Et ne demandez pas pourquoi, j’ai pris ces billets. Mais il y a quelque chose qui m’a poussé à les acheter. Je crois que quelque chose d’important va se produire et nous en sommes.»

Le glisseur décolla. A un mètre environ sous l’étrave de ce gigantesque navire sur coussin d’air la prairie défilait monotone. Pour tuer la dizaine d’heures nécessaires au voyage la plupart des passagers montaient se dégourdir les jambes sur le pont. Theudas, Sheila, Mei Lin et son fils - il s’appelait Chan - ne firent pas exception à la règle. Ils devisaient joyeusement lorsque Theudas aperçut des points qui grossissaient sur l’horizon et qui se dirigeaient vers le glisseur.
Les points prirent formes et devinrent d’énormes créatures ailée au bec effilé comme un rasoir.
« Ce sont des stryx, cria Mei Lin, des oiseaux prédateurs.»
Les oiseaux gigantesques tournèrent longuement autour du glisseur. Certains faisaient mine d’attaquer, et remontaient dans les airs l’instant suivant.
« Leur attitude n’est pas normale, dit Sheila. Ils semblent contrôlés par un empathe.
– Ceux de ton ordre utilisent l’empathie pour contrôler leur ménagerie ?
– Pas forcément. Moi j’utilise une forme de télépathie, l’injonction mentale. Ce qui fait que je ne peux contrôler que des créatures peu évoluée : des invertébrés, et quelques batraciens ou reptiles primitifs. Si c’est un guerriers écologiques, il s’agit de quelqu’un de puissant.
– Est ce que tu pourrais le repérer ?
– Je peux repérer quelqu’un qui utilise des pouvoirs psi. Tous les utilisateurs de pouvoirs laissent des traces mentales. Mais cela peut prendre du temps.»
Les oiseaux continuaient leur ballet infernal autour du glisseur. Theudas sortit son pistolaser au cas où les oiseaux attaqueraient pour de bon.
Idriss s’était rendu compte que l’attaque de ces créatures n’étaient pas normale. Le jeune musicien Murano avait débarqué la veille sur Kouen Louen. Il avait voyagé à bord de la nef d’un clan nomade. Il avaient fortuitement découvert en quelques discussions que les nomades étaient des adorateurs de la sorcière génétique. Il avait profité d’une halte dans un relais spatial tenu par des insectoïdes Chibit pour se renseigner sur ce culte. Les insectoïdes pourtant grands pourvoyeurs d’information et de secrets n’avaient put répondre à ses interrogations.
Et il se trouvait à présent sur ce glisseur cerné par des Stryx. Les créatures étaient à n’en pas douter contrôlée par un autre empathe. Il avait peut - être une chance de la vaincre. il devait essayer de prendre le contrôle de ces créatures pour les éloigner du glisseur. instinctivement sa flûte se retrouva dans sa main. Il connaissait surtout les mélodies destinées à tuer. Les autres, influant sur d’autres zones du cerveau, il en avait des notions. Mais il ne les maîtrisait pas complètement. Il commença à jouer. Il improvisa une mélodie. Au premier, abord il fut maladroit. Puis au fur et à mesure de son interprétation il s’enhardit. Il toucha enfin l’esprit des créatures. L’autre résistait, il était puissant. Mais Idriss ne se laissa pas décourager. Il continua à jouer. L’autre finirait sans doute par capituler devant la succession d’attaques que lançait Idriss pour contrôler les bêtes. L’autre continuait sa résistance, même si le contrôle qu’il avait sur les créatures faiblissait. L’inconnu gardait encore assez de force mentale pour tenir suffisamment les créatures. Idriss continuait de jouer, des mélodies de plus en plus subtiles et complexes, espérant pouvoir ainsi faire lâcher prise à son adversaire.
Pendant ce temps, Sheila ne restait pas inactive. Elle se concentrait pour repérer les traces laissé par leur adversaire. Bien sur l’intervention du flûtiste rendait les choses plus compliquées. Mais en même temps l’empathe devant mener un combat mental pour garder le contrôle sur les créatures, il n’arrivait plus à dissimuler ses traces. Elle repéra bientôt une trace ténue qu’elle suivi jusqu’à un homme se tenant à l’écart. Une grande souffrance se lisait sur son visage, prouvant qu’il arrivait de plus en plus difficilement à contenir l’attaque du flûtiste.
Elle le désigna à Theudas. Celui ci le visa avec son pistolaser. L’homme s’écroula.
Idriss ressentit un choc. Il commençait tout juste à faire céder les première barrières de son adversaire quand il vit celui ci s’écrouler. Alors il ne sut pas ce qui passa mais il sentit qu’il se déconnectait de la réalité. Il vit une grande banquise sur laquelle voguaient des milliers de petit glisseurs qui semblaient se diriger vers une cathédrale qui semblait creusée dans la montagne couverte de glace qui apparaissait à l’horizon. Cette hallucination ne dura pas plus de quelques secondes. Puis enfin il compris ce qui venait de se passer. Un homme venait d’abattre son adversaire.
Les Stryx s’éloignaient à tire d’ailes. Idriss s’approcha de l’homme qui rangeaient son pistolaser à sa ceinture.
« Je m’appelle, Idriss Halleck, l’un des derniers survivant de l’école Murano.
– Theudas Gris, voici Sheila Balol, guerrière écologique, et là Mei Lin une mémorialiste et son fils Chan.»
Le jeune enfant âgé d’à peine un an, gazouilla.
Theudas, Sheila et Idriss profitèrent de la fin du voyage pour faire plus ample connaissance.
« Nous sommes tous liés à l’élu finalement, conclut Theudas, puisque la sorcière génetique et l’élu sont liés l’un à l’autre.
– Mais qui est l’élu, demanda Sheila.
– Un jeune enfant normalement dont le destin est de réunir les deux empires...
Pris d’une intuition il se tourna vers Chan qui jouait avec sa mère sur le pont.
– Je crois que le problème est réglé, dit Sheila qui venait également de comprendre.
– Nous ne sommes que trois, dit Idriss.
– Le quatrième finira par nous rejoindre, répondit Theudas. Nous ne pouvons pas rester ici. Quelle est la planète la plus sure de la galaxie, demanda - t - il en se retournant vers Mei Lin.»
Le petit animal apparut et posa ses tentacules surs le font de la jeune femme qui entra dans une transe numérique. Elle avait accès aux information stockées dans le cerveau du petit animal. Ce dernier était relié à tous ses semblables sur la planète par des liaisons télépathiques. Les informations se recoupaient et se confrontaient dans ce réseau à la fois spirituel et organique. Enfin la réponse tomba, laconique :
« Opaline.


– C’est bien ce qu’il me semblait. Destination Opaline.» 

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