jeudi 3 décembre 2015

Les insoumis de Whim de Frank Cassilis

LES INSOUMIS DE WHIM
par Franck Cassilis

An 332 de l'Union Galactique (U.G.)...

Système de Bantrill : un des innombrables systèmes de l'Union Galactique. Conquis par les colons pangéens au milieu du deuxième siècle de l'U.G., il possède six planètes tournant autour de l'étoile de Bantrill. La deuxième planète, nommée à l'origine Urvaé, abritait deux races Non-Humaines depuis toujours ennemies, les whimiens et les ojokiens.
Vers l'An 5 de l'U.G., les ojokiens ont chassé les whimiens de la planète Urvaé. Ils ont été contraints de fuir dans l'espace avant d'échouer sur la ceinture d'astéroïdes. Les ojokiens ont renommé Urvaé, Ojok, une fois que tous les whimiens l'eurent désertée.
Après la conquête pangéenne et l'intégration à l'Union Galactique, le conflit ancestral entre whimiens et ojokiens a connu une longue trêve. Mais depuis le déclenchement de la guerre civile entre Adar Jool et Sid Hogn, les deux plus puissants sénateurs de la Diète Insterstellaire, le conflit est en passe de reprendre, Ojok cherchant à annexer la Ceinture de Whim...
(Extrait du Manuel de Civilisation Stellaire, huitième édition révisée – ouvrage collectif rédigé en pangéen commun sous la direction de Tram Gollah, Professeur émérite des Universités du Pangé Unifié).

Sur Jibbsoh, l'astéroïde majeur de la Ceinture de Whim, un groupe se déplaçait prudemment. Ils étaient quatre dans des spatiandres particulièrement vétustes. Ces humanoïdes à la peau argentée, tous chauves et imberbes, étaient des whimiens. Le groupe se composait de trois hommes et d'une femme. Derrière leur casque à la visière usée, leurs traits étaient tendus à l'extrême.
Enfin ils touchèrent au but. Celui qu'ils attendaient allait se poser sur un plateau rocheux, le seul de ces alentours escarpés. Quand ils virent le vaisseau avancer vers le plateau, ils ne purent contenir leur déception. Il s'agissait d'un misérable glisseur.
- Asati, c'est une blague, rassure-moi, fit un des trois grands gaillards à la jeune femme.
Il s'était adressé à Asati grâce au système radio vétuste de leur spatiandre. D'ailleurs celui-ci ne fonctionnait qu'à un faible volume et en grésillant, comme s'il allait bientôt lâcher.
- Il ne faut pas se fier aux apparences Vandong, répondit-elle. Notre Vénérable Bonze m'a certifié que cet humain était l'homme de la situation.
Ses trois acolytes ne rétorquèrent rien. Ils pensaient que cette mission ordonnée par le Grand Bonze de Dwahran était une erreur. Leur peuple pouvait résister sans aide extérieure. Mais ils étaient obligés d'accepter l'autorité suprême des Bonzes et donc d'accompagner la plénipotentiaire Asati pour cette transaction, même s'ils avaient souhaité qu'il en soit autrement.
Asati se mit en route vers le plateau tandis que le glisseur se posait. Ses trois acolytes lui emboitèrent malgré tout le pas.

Serro Warfin sortit de son glisseur. C'était un humain de trente cinq ans imberbe et châtain, sec de carrure. Il exerçait le métier de contrebandier stellaire depuis dix ans standards déjà. Des tas de rumeurs courraient sur lui, forgeant sa légende, notamment à propos de son astronef trafiqué illégalement pouvant entrer en hyperespace comme le plus sophistiqué des vaisseaux militaires de l'Union. La plupart de ces rumeurs prétendaient qu'il l'avait acquis en s'aventurant au-delà de la galaxie dans le mythique territoire des Xoogs, créatures impitoyables qui menaçaient depuis un siècle l'œkoumène stellaire.
C'était pour cela que Vandong avait été déçu quand il avait vu ce ridicule glisseur se poser sur Jibbsoh. Le whimien était à présent persuadé que la réputation de l'humain reposait sur un mensonge.
Enfin apparurent les clients avec qui Serro avait rendez-vous. Il fut abasourdi quand il vit leur spatiandre. Si le sien datait un peu, à côté du leur il paraissait à la pointe de la technologie. Comment pouvaient-ils se déplacer dans l'espace avec une combinaison pareille ?, se demanda le contrebandier avant de brancher son trad'universel.
- Bonjour messieurs... et dame, fit Serro en apercevant Asati au milieu des mâles whimiens.
- Nous sommes heureux de vous rencontrer, Serro Warfin, répondit Asati depuis la radio défaillante de son spatiandre. Vous êtes notre dernier espoir.
Sa voix était mélodieuse et étrange. C'était la première fois que Serro entendait du whimien, une langue ancestrale datant de bien avant les Temps Galactiques. Dans le même temps, la voix mécanique de son trad'univ retranscrivait en pangéen commun le discours. Les whimiens possédaient eux aussi un trad'univ' incorporé dans leur combinaison spatiale.
- Vous n'avez pas le chargement, dit alors Vandong. Il ne peut se trouver dans ce misérable coucou. Vous êtes un imposteur !
Serro arbora un sourire ironique, agaçant son contradicteur.
- Veuillez me suivre jusqu'à mon misérable coucou, dit-il. Vous verrez bien qui est l'imposteur.
Les quatre whimiens attendaient anxieusement autour de Serro. Le contrebandier fit coulisser une sorte de long et plat tiroir du coffre de son engin. Il en extirpa précautionneusement une imposante plaque d'anthracite qu'il posa entre lui et les whimiens intrigués. Puis Serro appuya sur un bouton tactile invisible situé à une des extrémités de la plaque d'anthracite. La plaque s'ouvrit révélant un improbable contenu. Quatre rangées de pièces détachables parfaitement alignées. Serro prit une pièce dans chaque rangée qu'il emboita sans difficulté. À la fin, il avait en main un désintégrateur standard avec sa batterie rechargeable à l'infini.
- Vous en avez une quarantaine comme ça, dit Serro tout sourire. Il y a un deuxième niveau sous la valise. Mais avant, le paiement.
- Attends l'humain, fit Vandong. Qui nous dit que ta camelote marche ?
Serro le fixa avec un air indéfinissable. Puis il visa un gros rocher derrière eux. Un laser jaune partit qui pulvérisa la pierre.
- Mais je peux les reprendre aussi et on en reste là, conclut le contrebandier en faisant mine de tout remballer.
- C'est bon contrebandier Warfin, dit alors Asati. On les prend. Peu importe le prix. N'est-ce pas Vandong ?
Mais ça ne semblait pas aussi simple. Les whimiens discutaient vivement entre eux, tenant un Serro agacé à l'écart. Ils ne voulaient pas payer, sous prétexte que la livraison ne respectait pas l'intégralité du contrat. Il avait été prévu qu'au moins le double soit livré d'après Vandong. Quel culot de leur part ! se disait Serro. C'était miraculeux déjà d'avoir pu acheminer tous ces désintégrateurs.
Actuellement la Ceinture de Whim subissait un blocus de la part des ojokiens, Non-Humains à puissante carrure et à la tête évoquant des tapirs carnivores. Ce peuple du système stellaire de Bantrill, rattaché de force à l'Union Galactique en 186 du calendrier standard, tentait de retrouver un peu de sa superbe en conquérant la Ceinture de Whim, située à quelques encablures cosmiques seulement de leur planète. La guerre civile régnant dans la galaxie favorisait leur projet de conquête de ce système.
Il y avait trois siècles standards, les whimiens avaient été obligés d'abandonner leur planète d'origine, sous la pression terrible des conquérants ojokiens.
Les whimiens avaient fui, tout du moins les survivants de l'atroce guerre entre les deux peuples, à bord d'un vaisseau spatial qui s'échoua au bout de deux ans d'errance cosmique sur la ceinture d'astéroïdes. Dans ce système, le vol spatial n'en était qu'à ses prémisses et il était maîtrisé seulement par les whimiens. Mais leur culture d'alors leur interdisait de développer une technologie militaire conséquente.
C'était un peuple à part, ayant créé une civilisation pacifique dans le continent nord de la planète, où les savants-philosophes dénommés bonzes étaient hautement vénérés. Ils avaient déplacés leur brillante civilisation sur la ceinture d'astéroïde du système, malgré les difficultés matérielles – comme en témoignaient la vétusté de leurs spatiandres – hors de portée de leurs ennemis héréditaires.
Or depuis une dizaine d'années, les ojokiens les menaçaient à nouveau. Ayant enfin pu maîtriser le vol spatial, et profitant de la désorganisation de l'Union Galactique suite à la guerre civile qui faisait rage dans tous les systèmes stellaires, les ojokiens voulaient envahir la Ceinture de Whim.
Ils avaient perdu les premiers combats contre ces whimiens plus belliqueux que leurs ancêtres chassés de leur planète d'origine. Mais les ojokiens avaient organisé un blocus de la ceinture d'astéroïdes que seuls de rares contrebandiers comme Warfin parvenaient à déjouer.
Soudain un point lumineux à l'horizon de Jibbsoh alerta Serro. Il s'immisça dans la discussion des whimiens.
- Bande d'imbéciles !, leur lança-t-il. Vous avez trop tardé. Les ojokiens débarquent !
- Ce n'est pas grave, fit Vandong en lui adressant un regard méprisant. Nous avons les désintégrateurs. Vu le nombre restreint que vous nous avez livré, et le risque encouru pour si peu, nous les prenons sans payer. Nous nous séparons là, monsieur Warfin. Montez vite dans votre coucou pour avoir une chance d'échapper aux ojokiens. Et Adieu.
- Vandong !, s'indigna Asati. Tu fais honte aux whimiens ! Que dirait notre Vénérable Bonze s'il te voyait faire ?
- C'est la guerre Asati, lui répondit froidement son compatriote. L'enseignement du Grand Bonze a ses limites. On ne peut plus se permettre d'être tendres à présent.
Serro ne dit rien, mais fixa un moment le Vandong. Très bien, s'il voulait jouer à ça... Les whimiens, après avoir pris l'imposante plaque anthracite contenant les armes lasers, s'en retournèrent vivement au milieu des vallons escarpés et sombres de l'astéroïde. Seule Asati restait indécise. Serro la prit alors par le bras :
- Venez avec moi dans mon appareil, lui intima-t-il. Vos amis ne savent pas qu'ils sont condamnés. Croyez-moi, Asati, vous faites le bon choix en me suivant et en me soutenant.
La whimienne se mordait les lèvres d'indécision. Puis elle choisit d'un coup. Elle monta à l'arrière du glisseur du contrebandier. Celui-ci décolla au moment où le vaisseau ojokien apparaissait au-dessus du plateau.
L'astronef typique d'Ojok gardait cette apparence archaïque, tourmentée et barbare des nefs planétaires des temps pré-galactiques. Mais le vaisseau stellaire restait doté de bonnes performances. Il pouvait naviguer aisément dans le système interne de Bantrill, dont la Ceinture d'Astéroïdes de Whim marquait la limite.
Bref, c'était un vaisseau suffisamment redoutable. Mais Serro était un as du pilotage, comme le vérifia Asati. Le contrebandier fit louvoyer son appareil entre les crevasses profondes de Jibbsoh. Il était une cible moins facile pour l'astronef ojokien qui le pourchassait à coups de lasers. Serro gardait son sang-froid. Il avait repéré la fameuse galerie souterraine – le Grand Boyau comme l'appelaient les whimiens – qui lui permettrait d'échapper à leurs poursuivants.
Ce Grand Boyau avait été construit à l'origine par les pionniers arrivés sur l'astéroïde. Ils avaient vécu dans cette grande galerie avant de construire leur vaste cité souterraine faisant perdurer leur civilisation après le cataclysme de la Grande Fuite.
La whimienne n'en revenait pas. Comment avait-il connaissance d'un endroit aussi secret ? Même les ojokiens ignoraient son existence. Asati voulut questionner Serro à ce sujet. Il ne lui répondit pas, concentré dans son pilotage entre les pics abrupts. Il avait ôté son casque. Il ne pouvait pas avoir accès à son trad'univ' et ne comprenait rien à ce qu'elle disait.
Serro entama la manœuvre pour entrer dans le Boyau. Le vaisseau ojokien le suivait de près... Les premiers mètres, le Boyau était suffisamment large pour laisser passer le gros vaisseau ojokien. Puis la galerie souterraine se rétrécissait soudainement. Le glisseur passa aisément, mais l'astronef ojokien heurta violemment les parois resserrées. Cette partie de la galerie ne s'écroula pas mais prit feu instantanément. Le glisseur continua à foncer. Le Boyau devenait tortueux à présent. Au détour d'un énième virage, Serro posa son glisseur sur le sol de poussière, laissa les phares du petit vaisseau allumé et se tourna vers Asati en remettant le casque de son spatiandre.
Ils étaient sauvés, à l'abri de l'incendie sous la galerie, mais Serro n'en avait pas fini avec les whimiens.
- Je sais que vos compatriotes vont passer par là pour retourner dans leur cité souterraine, dit-il à Asati par le biais du trad'univ'.
- Vous êtes bien renseignés? Que cherchez-vous, Serro ?
- À me faire payer la livraison !
- Vous n'avez aucune chance de récupérer votre dû, malheureusement. Vandong et ses affidés ne vous feront pas de cadeau s'ils vous croisent. La situation est tellement désespérée ici depuis que les ojokiens ont repris leurs projets de conquête... Tout ça à cause de cette guerre civile... Les ojokiens ont choisi le parti d'Adar Jool et notre peuple celui du Patricien Sid Hogn. Pour notre malheur, les pro-Jool sont en train de gagner de nombreuses batailles stellaires. Les ojokiens en profitent pour essayer de se rendre maître de tout ce système. Nous ne faisons que nous défendre. Nous ne voulons pas vivre une autre Grande Fuite...
Asati s'était soudainement tue. Au travers de la vitre du glisseur de Serro, elle avait vu déboucher dans la galerie ses trois comparses. Sans dire un mot, le contrebandier sortit de son glisseur à leur rencontre. Asati lui emboita le pas avec inquiétude.
- Que signifie ceci !, éructa Vandong malgré son émetteur défectueux. Comment connaissez-vous ces galeries ?
- Allons Vandong. Je ne vous révèlerais pas mes secrets. Mais sachez que je ne vous lâcherais pas. Je sais où vous allez. À l'entrée de votre cité souterraine de Dwahran, juste après le Grand Boyau. Mais êtes-vous sûr aujourd'hui de pouvoir y arriver ?
- Que racontes-tu, l'humain ?, grogna Vandong.
- Il y a un autre vaisseau ojokien qui vous attend à la sortie. C'est dommage, il ne vous restait ensuite que quelques centaines de mètres à parcourir à découvert avant d'atteindre votre cité souterraine que les ojokiens cherchent en vain...
- Quoi ! Tu nous as trahi !, rugit Vandong.
- Non, mais j'ai... comment dire... des moyens qui me permettent de savoir qu'une embuscade à la sortie du Grand Boyau se prépare.
- Nous sommes perdus, dit un des acolytes de Vandong.
- Pas tout à fait, reprit Serro. Il reste une dernière solution. Mais je ne l'utiliserais que si je suis payé.
- Quelle infamie..., cracha Vandong étouffé par la colère.
- Vandong !, dit alors Asati. Paye-le, bon sang ! Grâce à lui, nous avons des armes puissantes pour lutter face aux ojokiens.
Quelques minutes plus tard, un des acolytes de Vandong rangeait la mallette de transaction néo-numérique. Serro remettait avec satisfaction sa disquette de crédit bancaire dans une de ses poches intérieures. Il avait été payé.
- Bien, dit-il triomphalement. Veuillez à présent prendre place dans le glisseur.

Ils aperçurent enfin la sortie du Grand Boyau. Ils se dissimulèrent près de celle-ci. Ils ne virent d'abord rien, à part le cosmos au-dessus d'eux. Soudain apparut un drone de surveillance balayant les alentours. Puis il disparut rapidement derrière une barrière de rochers.
- L'humain a raison, chuchota vivement Vandong. On nous attend en embuscade. Si on était sorti du Grand Boyau, on aurait été trucidé dans l'instant.
Mais Serro ne l'écoutait pas. Il s'était penché sur sa montre-bracelet. Il dit :
- Antor, à toi de jouer cette fois.
- Ah ! On a besoin de mon aide aujourd'hui ?, retentit depuis la montre-bracelet une voix monotone robotique où se mêlait un improbable ton ironique.
Peu après, surgit de l'espace un astronef blanc à l'apparence élégante et redoutable. Au même moment, sur la gauche, des tirs lasers visèrent le Antor 1700 de Serro. Mais son bouclier d'auto-défense résista aux assauts ennemis. Il contre-attaqua. Des lasers-bombes, sortes de grosses boules rougeâtres, sortirent de l'avant du vaisseau et s'abattirent sur l'astronef ojokien en embuscade. Une explosion silencieuse s'éleva dans l'espace, tandis que le Antor 1700 se posait à l'entrée de la galerie.
- Vous nous aviez caché à dessein votre véritable vaisseau, dit médusée Asati. Pourquoi ?
- L'effet de surprise, répondit le contrebandier. Il faut toujours avoir un coup d'avance dans mon métier.
Ils se dirigèrent ensuite à l'entrée de leur cité souterraine de Dwahran qu'on ne distinguait pas depuis la surface rocheuse de Jibbsoh. Sur leur gauche, l'astronef ojokien avait été entièrement pulvérisé. Il n'y avait aucun survivant. Serro gara son glisseur dans son astronef après que tous en furent sortis. Puis il se mit au bas de la rampe d'accès grande ouverte de son vaisseau. Les trois whimiens n'accordèrent pas le moindre regard au contrebandier. Ils se postèrent devant un rocher et attendirent que le sas d'entrée de la cité souterraine apparaisse après avoir pianoté un code secret sur un clavier dissimulé dans la roche.
Seule Asati resta à parler avec le contrebandier.
- Je dois vous remercier Serro. Vous nous avez sauvés la mise, malgré l'attitude inélégante de mes comparses.
- Ça pour être inélégants, ils l'ont été. Cependant, j'ai l'habitude de clients réticents dans mon métier. Surtout ces derniers temps...
- Oui. La tension est rude dans tous les systèmes de l'Union. Dix ans de guerre civile entre les sénateurs Sid Hogn et Adar Jool ont tout déstabilisé, même ici.
- Je n'ai que faire de tout ce cirque, Asati... En tout cas, bonne chance dans votre lutte contre les ojokiens.
- Faites attention, Serro. La guerre civile risque un jour de se rappeler à vous. Même nous, avons été obligé de faire un choix.
Le contrebandier lui sourit puis pénétra dans son vaisseau. Il retira avec joie son spatiandre. Serro fut accueilli par l'Intelligence Artificielle de l'astronef antorien de modèle Antor 1700. Il était illégal qu'un simple citoyen comme lui possède un vaisseau aussi sophistiqué pouvant voyager en hyperespace. Mais grâce à cette technologie de pointe, il échappait à toutes les polices de l'Union.
Personne ne savait comment il avait acquis l'astronef fabriqué par une race de Non-Humains parmi les plus brillantes, aujourd'hui quasiment disparue, les antoriens. Serro se refusait à le révéler à quiconque. Tout juste avait-on vu apparaître une furtive grimace de souffrance sur son visage devenu totalement fermé les rares fois où la question lui avait été posée.
Le contrebandier se positionna dans le cockpit et enclencha la manœuvre de décollage.
- Bien joué tout à l'heure, Antor. Tu leur as mis une sacrée raclée.
- Je n'ai pas de mérite Serro, retentit la voix robotique de l'I.A. Tu t'es, d'une part, bien renseigné sur l'histoire de Whim, notamment à propos de l'existence du Grand Boyau. D'autre part, leur technologie stellaire n'est pas très développée par rapport aux autres mondes que l'on a l'habitude de côtoyer. Leur blocus spatial est d'ailleurs facile à franchir. D'autant plus que c'est toi qui m'a demandé de communiquer, soi-disant par inadvertance, l'endroit où les whimiens déboucheraient, révélant aux ojokiens l'emplacement de Dwahran. Quel fourbe tu fais !
- Allons !, sourit Serro. N'exagère pas. Le plan s'est parfaitement déroulé. J'ai été payé. De plus, je t'ai demandé, quand j'étais dans le glisseur avec Asati, de brouiller les ondes radio pour ne pas qu'ils renseignent leurs congénères sur l'endroit où se trouve Dwahran. Et comme tu as dégommé l'appareil ojokien, le secret n'a pas été éventé. Mais le restera-t-il ? Vue la facilité avec laquelle on a découvert son emplacement, d'autres le trouveront. Pareil pour le Grand Boyau... Allez, on décolle ! Tu me sortiras mes cigares et mon whisky, une fois en hyperespace...
- Oui. Comme d'habitude.

- Heureusement que le Grand Bonze nous a dit qu'on pouvait faire confiance à ce satané humain, lâcha Vandong une fois qu'Asati les eut rejoints.
- Grâce à lui, on a quand même des désintégrateurs pour mener une guérilla efficace dans la Ceinture d'astéroïdes, lui répondit Asati. Même si les ojokiens semblent savoir où se situe l'entrée de Dwahran, nous pourrons créer une unité d'élite chargée de les combattre désintégrateurs au point. Ils ont trouvé à qui parler maintenant !
Vandong dut reconnaître qu'Asati disait vrai. Puis une fente se fit dans la roche de l'astéroïde. Un ascenseur mécanique un peu daté se mit à la hauteur des whimiens. Ils s'y engouffrèrent. Dans le même temps, l'astronef du contrebandier décollait de Jibbsoh.
- Je me demande si ce Serro Warfin réussira à rester à l'écart du grand conflit interstellaire, fit Asati tandis que les pans de l'ascenseur souterrain se refermaient.
Peu après, le Antor 1700 de Serro Warfin pénétrait dans l'hyperespace, illuminant pendant une fraction de seconde l'immensité du cosmos.


FIN