mercredi 25 mars 2020

La voie paradoxale épisode 3

Épisode 3


Theudas sortit du transbordeur. Les odeurs d’épices assaillaient ses narines. Il venait de débarquer sur Shitani. Devant lui s’étendait la capitale planétaire que l’on appelait simplement le Grand Bazar.
La planète était idéalement au carrefour des nations galactiques. On y venait de l’Empire Originel, de l’Empire du Milieu, des mondes indépendants et même des Amas Francs. La ville elle était construite sur une immense mesa surplombant la jungle. Les cris des bêtes sauvages montaient jusqu’à la ville et rajoutait une dimension sauvage à l’ambiance unique de la cité commerciale. Parfois des oiseaux aux plumages splendides montaient de la jungle et volaient au dessus des rues de la cité.
Dés la sortie du tarmac de l’astroport, on trouvait pèle mêle des étals de marchands. Theudas s’engagea sur l’avenue qui séparait l’astroport du centre ville. C’était là qu’était situé le marché aux robots. Les camelots hurlaient leur boniment. La foule des badauds était hétéroclites. Des dizaines d’espèces étaient représentées : des Illuanais qui possédait une trompe en lieu de nez, des Blaumrogs à l’apparence d’hipopotames humanoïdes, des insectoïdes venus d’on ne sait ou et bien d’autres. Il y en avait même que Theudas n’arriva pas à identifier. Même les humains présents étaient cosmopolites. Leurs costumes trahissaient leur monde d’origine.
En face de lui remontant l’avenue venait un groupe de Volvanis, loups bipèdes au pelage pourpre. Theudas ne s’en serait pas inquiété outre mesure si ceux ci n’avaient pas accéléré leur allure en s’approchant de lui. Les Volvanis avaient une réputation de bons mercenaires. Toujours est il qu’ils sortirent leurs épées et foncèrent vers Theudas. Celui ci n’eût d’autres ressources que de dégainer sa rapière et son pistolaser. Le premier Volvani chargea et Theudas répliqua le désarmant pour gagner un peu de temps. Pendant ce temps là il chercha du regard celui qui pouvait bien être le chef. Les meutes Volvanis était habituellement commandé par un mâle dominant. Si l’on neutralisait celui ci, la meute était désorganisée. Les Volvanis chargeaient l’épée en avant. Theudas répliquait en faisant des passes complexes de sa rapières. Il avait blessé plusieurs de ses adversaires. En fin il repéra celui qu’il pensa être le chef de meute. Il tira dans sa direction à l’aide de son pistolaser. Le Volvani s’écroula et les autres cessèrent leur attaque comme par enchantement, jaugeant Theudas du regard.
Theudas s’approcha du Volvani blessé.
« Qui t’a payé pour me tuer.
– Alexander Hagen. »
Alexander était le fils aîné de Christopher. Il passait pour être la brebis galeuse de la famille qu’il avait d’ailleurs renié. On disait qu’il était devenu chef de gang sur Shitani. Theudas ne voyait comment il avait pu contrarier Alexander.
Il s’éloigna des lieux, pour avoir disparu à l’arrivée de la milice. Il traversa le centre ville aux rues étroites, encombrées d’étals de marchands et d’échoppes d’artisans. il se fraya un chemin à travers d’étroites ruelles, dépassa le marché aux épices à l’odeur caractéristique. Il arriva enfin dans un quartier de rues plus larges bordant le marché des joailliers. il s’agissait d’un quartiers résidentiels de maisons cossue et de petits hôtels particuliers de styles architecturaux hétéroclites. C’était là que résidait le colonel Azad, l’homme qu’il était venu voir.
Le colonel était un ami du père de Theudas. Il ne l’avait pas vu depuis qu’il avait coupé les ponts avec sa famille pour échapper à ses impitoyables poursuivants. Il avait fait prévenir depuis le vaisseau pour ne pas débarquer à l’improviste. Il frappa à la porte qui s’ouvrit peu après. Une vois s’éleva depuis le petit jardin situé juste derrière.
« Comment dois je t’appeler ? Par ton ancien nom ou par celui que tu t’es choisi.
– Appelle moi Theudas. C’est ainsi que tout le monde me connais. Rassure toi je n’ai pas oublié l’ancien. Mais cela fait tellement longtemps que je ne l’ai pas utilisé que je doute parfois que ce soit le mien.»
Le colonel avait occupé les fonctions de chef des services de sécurité de l’Empire Originel. Il avait pris sa retraite et était venu s’installer sur Shitani.
« Ma famille va bien? demanda Theudas.»
Le colonel lui fit signe de la suivre. Ils entrèrent dans la maison.
« Ils vont bien. Si tu m’expliquais toute cette folie. Pourquoi es tu devenu gladiateur ? Pourquoi as tu disparu ainsi ?
– C’est une très longue histoire.»
Ils entrèrent dans un salon élégamment meublé où s’affairait un cyborg.
« Je te présente Jacko, mon secrétaire et garde du corps. Vas y raconte moi.»
Theudas plongea dans le tourbillon de ses souvenirs.
Cela avait commencé alors que son père l’avait envoyé contrôler les comptes d’une exploitation minière. Lorsqu’il eût terminé il rejoignit son glisseur où deux de ces êtres étranges à la peau verte l’attendait. Il avait dû engager le fer avec eux pour éviter d’être tué. Le deuxième incident avait eu lieu dans un vaisseau luxueux qu’il avait pris pour se rendre sur Alma Mater où il devait représenter la Maison à une cérémonie impériale. Une de ces créatures avait réussi à pénétrer dans sa cabine avec une arme. Là encore son entraînement d’escrimeur l’avait sauvé. Lorsqu’il était revenu de ce voyage il s’en était fallut de peu qu’il fût touché par le tir d’un sniper. Il avait aperçu une silhouette vêtu d’une ample robe et d’un capuchon s’enfuir. En quelques mois il avait été victime de trois tentatives d’assassinat. Il était sûr qu’il y en aurait une quatrième, aussi devait-il prendre des mesures pour sa sécurité. Mais ce fut peine perdu, quelques jours plus tard un de ces êtres s’était introduit dans ses appartements, en évitant les gardes du corps qu’il avait engagé. Il avait donc pris la seule décision qu’il y avait à prendre. Disparaître et changer d’identité en espérant que ses poursuivants ne le retrouvassent point.
Malheureusement cinq ans plus tard ils avaient réussi à le retrouver.
« Peut-être ces créatures sont elles liées aux Hagen. J’ai été agressé par une meute Volvani dans le marché aux robots. J’ai réussi à mettre le mâle dominant au tapis. Il m’a dit qu’il tenait ses ordres d’Alexander Hagen.
– Pourtant Alexander a été banni par sa famille. Il dirige une organisation criminelle, ici sur Shitani, répondit le colonel. D’habitude il n’est pas pressé de rendre service à Christopher. Je me demande ce que cache tout ça. Le mieux serait de la demander à notre ami Alexander.
– Tu compte aller le trouver et demander des explications ?
– Oui, mais on n’en reparlera tout à l’heure. Qu’est ce que tu comptes faire ?
– Pour l’instant aller dans l’Empire du Milieu. Là bas il n’ont pas d’ordinateur. il sera plus difficile de retrouver ma trace.
– Tu ne vas pas te cacher éternellement ?
– Non, mais si je veux passer à l’offensive il me faut des alliés et des informations sur mes adversaires. Et je compte bien sur toi pour me renseigner.
– Je vais activer mes anciens réseaux, peut être trouveront - ils quelque chose ?»
Le colonel proposa que l’on passa à table. Theudas eut soudain une intuition.
« Je souhaiterais passer une communication.»
Il appela Hugo Van Dorn.
« Salut, Hugo. Comment vas - tu ?
– Plutôt pas mal. Une grande Maison m’a engagé pour lui servir de maître d’arme.
– Laisse moi deviner. Ce ne serait pas les Hagen par hasard.
– Hein. Mais.
L’ancien entraîneur devint tout rouge.
– Et bien sûr tu leur a dit que je comptais aller sur Shitani.
– Mais. Je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas pu le dire...
– Parce que je suis tombé dans une embuscade organisée par Alexander Hagen. Surtout ne leur dit pas que je vais dans l’Empire du Milieu, sinon je sens que je vais droit à la catastrophe.»
Sur ce il raccrocha.
Theudas revint vers son hôte.
« Alors.
– Mon ancien entraîneur est comme par hasard devenu maître d’arme de la maison Hagen, moins d’une semaine après mon départ. C’était le seul homme à savoir que je venais ici. Les Hagen son bel et bien mêlés à l’affaire. Pourquoi m’en veulent ils ? Ça c’est autre chose.
– Il suffit de le demander à Alexander. Il passe beaucoup de temps dans une fumerie. Il y est à peu près tous les soirs. C’est le seul moment de la journée où il est seul et vulnérable. Ce moment est propice à un enlèvement.
– Et qui va s’en charger.
– Toi avec Jacko.»
Theudas quitta la maison du colonel quelques minutes plus tard en compagnie du cyborg. Ils s’enfoncèrent dans les méandres des bas quartiers. Ils trouvèrent rapidement la fumerie. Le bâtiment avait plus de classe que ceux qui l’entouraient. ils entrèrent.
A un bureau un préposé accueillait les visiteurs.
« Que voulez-vous ? Notre établissement est fermé à cette heure ci.
– Nous voulons simplement nous entretenir avec Alexander Hagen, répondit Theudas.»
Le préposé sortit une arme. Mais Jacko fut plus rapide et décocha une fléchette qui sembla sortir de son bras, le tuant net.
Alexander Hagen était étendu sur un lit. Un tuyau était relié à son bras et lui injectait régulièrement du Quarium, drogue synthétique extrêmement violente. Il fumait une cigarette de Kaf réputée pour ses propriétés hallucinogène. Les drogues étaient la passion d’Alexander. Il ne se contentait pas de produit aussi banaux que le Kaf ou le Quarium. Il avait goûté à l’ambroisie cette drogue aux vertus hallucinogènes puissantes tirées des excréments d’un vers géant de Dambisis. il consommait régulièrement le soma, tiré du sang des dragons de Certianthe, substance qui avait la réputation d’élever la conscience. Puis il ingurgitait aussi l’essence d’or, la sève de l’esprit, l’épice de vie, le nectar, l’ambre bleu, la poudre de corail pourpre et une bonne vingtaine d’autres substances. Les seuls auxquels il n’avait pas touché était les drogues de combat. Alexander était un alambic vivant. Les drogues se mélangeaient dans son organisme modifiant imperceptiblement son métabolisme. Les effets des différentes drogues cumulés lui conféraient des ressources insoupçonnées. Elles lui avaient même permis de résister aux injonctions subliminale d’un bouffon Ko. Malgré son physique - Alexander était aussi maigre que son père était gros - et son habitude des drogues il était loin d’être faible. Il régnait en maître sur une puissante organisation criminelle qui contrôlait les activités illicites sur une bonne partie de la galaxie. Il avait fait récemment éliminer le chef d’un cartel rival, le roi des gueux de Baltoï par un musicien Murano. Son empire s’étendait peu à peu dans la galaxie.
Il tira une nouvelle bouffée sur sa cigarette de Kaf. Il vit la porte voler en éclat et deux hommes pénétrer dans la petite salle où il était étendu. L’un d’entre eux était un cyborg. On avait profité d’un de ses moments de faiblesse lorsqu’il est étendu dans un des lits de la fumerie, loin de ses gardes du corps. Noyé dans la béatitude que lui procuraient les deux drogues réunies, il ne pouvait réagir et dut se laisser entraîner par les deux hommes. Son service de sécurité était pourtant performant et les hommes de mains de ses rivaux étaient généralement repérés et neutralisés avant qu’ils puissent frapper. Il fallait croire que l’attaque venait d’ailleurs que des milieux qu’ils fréquentaient habituellement. Il sombra dans l’inconscience.
Lorsqu’il se réveilla il était ligoté et bâillonné.
Theudas et Jacko n’avait eu que peu d’obstacle sur leur route. La neutralisation des deux gardes du corps d’Alexander fut rapide grâce à la force surhumaine du cyborg. Il leur fallut transporter le chef de gang endormi par le labyrinthe des petites ruelles du Grand Bazar jusqu’à la maison du colonel. Il l’avait installé dans ce que ce dernier appelait sa chambre de torture. Il s’agissait d’une petite salle dont le centre était occupé par un aquarium dans lequel nageait un poisson triangulaire.
L’interrogatoire commença. C’est le colonel qui décida de le mener.
« Alors pourquoi as - tu décidé de faire assassiner Theudas Gris.
– Je ne le connais même pas, je ne vois pas pourquoi j’aurai décidé de la faire assassiner.
– Pourtant tu as bien utilisé récemment les service d’une meute Volvani.
– Je n’en ai pas à mon service. On vous aura mal renseigné.»
Le colonel détacha une des mains d’Alexander et la plaça dans l’aquarium. Le poisson qui y nageait envoya un éclair. Alexander ressentit une vive douleur.
« Si tu veux que je sorte ta main de l’aquarium, il faut que tu me dises la vérité.»
Le poisson envoya un deuxième éclair. Le visage d’Alexander se crispa.
« Alors, reprit le colonel.
– Oui c’est bon. C’est mon père qui m’avait demandé ce service.
– Je croyais que vous étiez brouillé à mort.
– C’est vrai mais il devait me payer en m’expédiant quelques kilos de mousse orangée, une drogue que je n’avais pas encore expérimenté. Il me tenait par mon propre vice.
– Et pour quelles raisons deviez vous le tuer.
– Il m’a simplement dit qu’il s’agissait d’un des élus de la prophétie. Un de ceux qui doit protéger l’enfant.»
La prophétie disait qu’il naîtrait un jour un homme qui réunifierait l’empire divisé en deux entités politiques : l’Empire Originel et l’Empire du Milieu, et que quatre guerriers, deux hommes et deux femmes le protégeraient. Elle passait pour une légende. Mais Christopher Hagen semblait y croire. Il est vrai qu’on lui prêtait des ambitions allant bien au delà de sa condition de chef d’une Maison majeure. On prétendait depuis longtemps qu’il attendait le moment opportun pour préparer un putsch et prendre le pouvoir dans l’Empire Originel. Mais de la à croire cette histoire de prophétie il y avait un pas qu’il avait semble-t- il franchi allègrement.

Idriss errait dans les bas fonds du Grand Bazar. Il avait refusé d’obéir aux injonctions de son vieux maître et était bien décidé à se venger des Hagen. Il avait appris que le fils aîné de la maison résidait sur Shitani. Il avait décidé qu’il serait le hors d’oeuvre de sa vengeance.
On lui avait désigné un entrepôt des bas quartiers. Il espérait y trouver une des bases d’Alexander Hagen.Il entra prudemment en s’introduisant par l’entrebaillement de la porte. L’intérieur était vaste. Des fresques étaient peintes sur les murs. Ça et la quelques colonnes tenait lieu de traits d’union entre le sol et le plafond. Il se cacha derrière l’une d’entre elle le temps de mieux observer la salle. Au fond des braseros brûlaient. Et autour d’entre eux se tenaient un groupe d’hommes. Certains étaient difformes. Ils s’agissait de mutants.
« Soit le bienvenu Idriss Haleck, nous t’attendions, dit l’un des mutants.»
Idriss sortit de sa cachette. Il avait compris que le lieu où se trouvait n’avait rien avoir avec la quartier général de l’organisation d’Alexander.
« Qui êtes vous ? lança - t- il.
– Nous sommes les serviteurs de la sorcière génétique, répondit celui qui avait parlé. Et Elle a besoin de toi.
– Je ne comprends rien à vos discours, répondit le jeune assassin en s’approchant.
Certains des hommes qu’il avait en face de lui avaient des yeux de chat, d’autres des oreilles pointues, d’autres encore avaient le visage couvert de pustules, l’un d’entre eux avait même un troisième bras. Celui qui lui parlait était exempt de mutations physiques apparentes, mais on racontait tellement de choses sur les mutants, et leurs pouvoirs mentaux. Idriss pouvait être certains que l’homme possédait des différences génétiques avec un homo sapiens normal. Les mutants étaient le résultat des guerres nucléaires qui avaient fait rage dans le système de Kendor. Après une histoire faîtes d’errance et de camps de réfugiés la diaspora mutante s’était répandue dans la galaxie avec ses traditions étranges héritées de leur antique système solaire.
« Tu es l’un des quatre guerriers de la prophétie. L’un de ceux qui protégeront l’élu.
– J’ai autre chose à faire que protéger votre élu. J’ai une vengeance à accomplir.
– C’est la sorcière génétique qui t’a choisi. Tu ne peux refuser ton destin.
– Mais...
– Alexander Hagen a sa partition à jouer dans les événements qui se préparent. De toute façon à l’heure actuelle il se fait torturer par le colonel Azad. Cela devrait te suffire. De toutes façons, les événements te conduiront sur la route de Christopher Hagen. Tu auras l’occasion de te venger, rassure toi. Va dans l’Empire du Milieu le vaisseau d’un clan nomade va partir dans quelques heures à destination d’une planète nommée Kouen-Louen. Tu vas embarquer à bord.»


Idriss ignorait tout de cette prophétie, elle n’était connue que dans les milieux lettrés. Mais il était curieux et voulait voir où cela le mènerait. 

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