lundi 23 mars 2020

La voie paradoxale épisode 2

Épisode 2


Idriss avait changé durant les cinq années qu’il avait passé avec les Muranos. Il avait apprit à développer son don d’empathie et le mettre en phase avec la musique pour pouvoir donner la mort. Il avait renoncé à utiliser le luth. L’instrument était trop encombrant. Il avait adopté la flûte, un instrument plus discret.
Il arrivait au bout de son apprentissage. Il devait maintenant faire ses preuves. Le temps allait venir de sa première mission en solitaire. Jusqu’à présent il n’avait fait qu’accompagner son maître, Claudius Rey.
Celui ci le fit appeler un beau matin.
« Il est temps de faire tes preuves. Tu vas te rendre sur Baltoï. C’est là bas que vit celui qui se fait appeler le roi des gueux. En fait il dirige une puissante organisation criminelle. Quelqu’un a décidé qu’il devait mourir. Et c’est toi que nous avons choisi pour exécuter la sentence.»
Enfin, Idriss allait prouver ce qu’il valait. Il en rêvait depuis qu’il était entré au service de l’école Murano.
Il s’embarqua sur un navire d’une ligne régulière qui devait le conduire dans l’Empire Originel. De là il prit une correspondance pour Baltoï.
La capitale planétaire était une petite ville triste et morne s’élevant entre une lande désolée et l’océan. Sur le port se succédait une ligne de tavernes et de bars.
Idriss avait décidé du plan qu’il allait adopter. Il ferait croire qu’il désirait rencontrer le roi des gueux pour affaires. Il comptait devenir le loup dans la bergerie.
Il entra au hasard dans l’un des bars qui bordaient le front de mer. la clientèle interlope se composait d’hommes aux mines patibulaires.
Il but sa consommation. Puis il s’adressa au barman.
« Je souhaite rencontrer le roi des gueux. Je suis venu négocier un contrat avec lui. Vous savez à qui je dois m’adresser pour avoir un rendez vous avec lui.
– Le roi des gueux n’est pas facile à rencontrer. Je connais qui il faut. Je ferais passer le message. Vous me dites dans quel hôtel vous êtes descendus, vous saurez bientôt s’il désire vous rencontrer. il vous le fera savoir.
– Merci.»
Idriss sortit du bar qu’une partie de sa clientèle avait déserté. Il eut un mauvais pressentiment. Dans la rue cinq hommes l’attendaient. Leur armement était hétéroclite. Certains d’entre eux possédaient des armes à projectiles. Le meneur, un homme au visage barré par une cicatrice s’approcha de lui.
« Qu’est ce que tu lui veux au roi des gueux ? Tu débarques ici et tu ne connais même pas les canaux habituels de communication avec lui. Je pense que tu n’es pas très net.»
Sur ce il dégaina un couteau laser. D’autres hommes avaient des rapières. Curieusement la rue était déserte. La flûte se matérialisa dans la main d’Idriss. Il commença à jouer. Les hommes s’approchaient de lui. L’homme au couteau laser s’immobilisa sentant les premières attaques qui lui vrillaient le cerveau. Les autres hommes aussi commençaient à ressentir la douleur. Ceux qui avaient des armes à projectiles voulurent s’en servir et tirèrent. Mais leurs tirs étaient rendus imprécis sous l’impact de la douleur. Bientôt , il n’y eut plus que cinq cadavres.
Idriss s’empara d’un couteau sur l’un des corps et égorgea net les cinq hommes morts. il tenait à couvrir ses arrières. Comme cela, tout le monde penserait qu’ils s’étaient entre-tués. Personne ne verrait là l’oeuvre d’un Murano. Et c’était tout ce qui comptait pour maintenir sa couverture. Il se retourna et observa la rue. il n’y avait pas eu de témoins.
Il rejoignit son hôtel. Il comptait y rester pour attendre la convocation du roi des gueux. Elle vint sous la forme d’un homme qui le fit mander.
« Je suis chargé de vous conduire auprès du roi des gueux.»
Idriss suivit l’homme. ils s’enfoncèrent dans les souterrains. L’étroit boyaux sentait l’humus et la pourriture. Parfois on apercevait la silhouette d’un rongeur qui décampait. Des insectes allaient et venaient sur les murs couvert de salpêtre. Certains étaient même énormes. Idriss ressentait l’humidité extrême des lieux qui le rendait mal à l’aise. Le lieu se prêtait magnifiquement à une embuscade et le jeune musicien s’attendait à tout moment à être attaqué. Bientôt on arriva à un escalier de pierre qui s’enfonçait encore plus profondément dans les entrailles de la ville. Idriss y suivit son guide. Bientôt la cage d’escalier devint plus large. Idriss se sentit mieux, d’autant plus que l’obscurité n’était plus aussi totale que quelques minutes auparavant. Au bas de l’escalier s’étendait un large couloir. On entendait dans le lointain les clapotis de l’eau. Sans doute y avait - il quelque part dans ce vaste domaine chthonien une rivière souterraine.
Enfin ils arrivèrent devant une porte monumentale. Son guide écarta la main sur un écran métallique incrusté dans la roche. La porte s’ouvrit. Idriss entra.
A l’intérieur il y avait un homme incroyablement vieux assis sur un fauteuil qui avait l’allure d’un trône. La pièce était vaste et meublée avec goût. Idriss se rendit compte qu’il était seul avec le vieil homme. Son guide ne l’avait pas suivi jusque là.
« Sois le bienvenu, jeune homme. Je sais qui tu es et ce que tu as l’intention de faire.»
Idriss fut surpris par cette révélation. Il s’était attendu à trouver un homme entouré d’une cour de sycophantes, et protégés par des dizaines de gardes.
« Je viens vous tuer et cela ne vous fait rien.
– Je suis condamné. J’ai une tumeur au cerveau et je n’ai que quelques mois à vivre. Alexander en décidant de ma mort m’offre l’occasion d’en finir avec panache.
– Vous êtes seuls.
– J’ai congédié tout mes proches. Je tiens à mourir seul. Vas - y joue ta chanson mortelle petit, que l’on en finisse au plus vite.»
Idriss prit sa flûte et joua. En quelques secondes le vieil homme était mort. Il sortit de la salle. Le guide l’attendait. Ils prirent le même chemin qu’à l’aller.
Idriss avait vraiment été ému par ce vieil homme qui accueillait la mort avec philosophie. Il avait ébranlé certaines de ses convictions. Pourquoi accepter la mort plutôt que défendre sa vie avec acharnement ?
Une fois à l’extérieur il se dit qu’il devait reprendre la direction de Murano le plus vite possible. Il ne voulait pas trop rester sur le lieu de sa mission. Le souvenir de ce vieil homme condamné qui lui demandait d’en finir ne lui était pas agréable.

La planète de l’école apparut enfin par le hublot. Idriss était enfin revenu au bercail. Lorsque le vaisseau se posa, il fut surpris par le silence qui l’accueillit. Il fit quelques pas en direction des bâtiments. Une voix l’interpella.
« Idriss, il vaut mieux que tu ne rentre pas à l’intérieur.»
Il reconnut son vieux maître, Claudius Rey.
« Qu’est ce qui s’est passé.
– Nous avons été attaqués. Ces enfoirés nous ont envoyé des robots de combats. Contre eux nos pouvoirs ne nous servent à rien. Ce fut un vrai massacre. J’ai compris que combattre était inutile. Je me suis caché. Je suis le seul survivant. Désormais à part nous deux il n’y a plus que les musiciens qui étaient en mission au quatre coins de la galaxie.
– Qui a fait ça ?
– Selon les armoiries figurant sur les robots, il s’agit de la maison Hagen.
– J’exterminerais les Hagen. Il regretteront de s’être attaqué à nous.»
Il tourna le dos à son vieux maître. C’était la deuxième fois que les Hagen l’attaquaient personnellement. Il tuerait le gros Christopher de ses propres mains. Cette famille était une aberration.


Il ignora les injonctions de son vieux maître qui lui disait que la vengeance ne servait à rien. Il prit le chemin de l’astroport. Maintenant il allait en découdre avec les Hagen. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire